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GENERATION-MIGRATION
Fernando Pereira & son petit-fils Alessio Gugliuzzo
Fernando raconte:
Je suis né en 1951 à Tomar, un petit village du Portugal. Ma mère a accouché à la maison. Nous étions huit garçons et une fille. J’étais le plus jeune. Dès l’âge de huit ans, je cueillais déjà des figues sèches pendant les vacances d’été. A plus de 43°, du lever au coucher du soleil. C’était dur, mais nous étions pauvres et comme ça je pouvais apporter un peu d’argent à la maison.
Ma scolarité a été très courte, quatre années. Après je suis parti à Lisbonne pour travailler dans une épicerie. J’avais 12 ans. Le patron était très dur, je n’avais pas de salaire, j’étais seulement nourri et logé.
En attendant de commencer l’armée, je suis parti clandestinement en France. J’avais vendu ma moto pour payer mon billet. Boulanger à Nancy, déménageur avec mon frère à Paris, j’ai pu gagner ma vie. C’était important, car j’étais déjà marié à cette époque. Puis de 1974 à 1977 je suis resté au pays pour faire l’armée.
Un peu plus tard, j’ai traversé une période de malchance. Seul représentant de yoghourts et de glaces à Lisbonne, j’avais un stock important. Malheureusement le congélateur est tombé en panne pendant mon absence et tous mes produits ont été perdus. Un des bus est aussi tombé en panne… bref, j’ai épongé des pertes et c’est là que j’ai décidé de tenter ma chance en Suisse.
Après avoir occupé plusieurs emplois dans divers lieux, j’ai trouvé une annonce : on cherchait un boulanger à Grimentz. J’ai appelé, j’ai été convoqué, mais la question était: comment y aller? Il fallait absolument que je trouve une solution. Je suis allé dans un garage et j’ai dit que je pensais acheter une voiture, une Nissan. On m’a proposé de l’essayer. Et c’est ainsi que j’ai pu me présenter et obtenir la place. Le garagiste était étonné que j’aie fait aussi long et consommé autant d’essence. Alors je lui ai mis 20 francs sur la table et il a été content. Et moi aussi !
Peu de temps après, mon permis de travail a expiré! Puis un jour que j’étais sur le trottoir, deux policiers sont arrivés. Ils m’ont demandé mes papiers et ils ont vu que je faisais du karaté. L’un d’eux en faisait aussi et finalement on n’a parlé que de cela. Mais quelques jours plus tard ils m’ont arrêté, ils ont fouillé mon apparte - ment et j’ai été convoqué à la police. Et là on m’a dit: «On sait tout. On sait qui tu es, où tu as travaillé, et que tu es un gros bosseur et très honnête, alors reste. »
Finalement l’accueil en Suisse n’a pas été négatif. Mais si les choses ont bien marché, c’est parce que je n’ai jamais arrêté de lutter. Une fois que je n’avais pas de travail, mes collègues portugais m’ont dit: «Ecoute, retourne au pays. Tu as déjà le billet et ici, il n’y a pas de travail. » J’ai refusé: «Non, jamais de la vie ! » Et très vite j’ai trouvé un emploi et comme mes patrons étaient contents de moi, ils m’ont aidé à obtenir le permis B. Le bon travail, ça se paie toujours.
En 1987, j’ai repris la boulangerie du Cygne Noir. J’y suis resté 19 ans. Et mainte - nant, je tiens le Cygne Blanc près de l’église et mon commerce marche très bien. En conclusion, je suis officiellement en Suisse depuis 1984.
Je m’adapte facilement à tout. En plus, je ne fume pas, je ne bois pas, disons que je ne suis pas un Portugais type, comme ceux qui se retrouvent au bistrot après le travail pendant que leur femme est à la maison. Je suis plutôt «un Suisse à tête carrée». Je déteste arriver en retard, l’heure c’est l’heure. Le français, je l’ai appris en causant avec les gens. Quand je ne comprenais pas un mot, je cherchais dans un dictionnaire le soir. C’est comme ça que j’ai appris. La seule chose qui me manque, c’est la mer. Au Portugal, vous trouvez des plages magnifiques, l’eau est transparente. Oui, la mer me manque…
Aujourd’hui, à bientôt 70 ans, je peux dire que ma vie a été une vie de travail. Mais je ne me plains pas. Jamais malade, jamais une grippe, je suis là. Je ne retournerai pas vivre dans mon pays. Ma famille la plus directe, mes enfants et mes petitsenfants, sont ici. Qu’est-ce que je ferais là-bas sans ma famille?
Ce que j’aimerais transmettre à mes enfants? Qu’ils soient sincères, travailleurs, parce que sans travail, on n’a rien du tout. Et puis comme disait mon papa: «Quelque chose, même si on en a besoin, si c’est pas à nous, on touche pas ! »
Alessio écrit:
Bonjour je m’appelle Alessio, j’ai 14 ans. Je vous écris ce texte pour vous présenter mon grand-père et vous raconter les liens qui nous unissent.
Mon avô (grand-père en portugais) a 70 ans. Il a travaillé toute sa vie et il travaille encore aujourd’hui, malgré son âge. Je trouve qu’il a une motivation hors du commun. Il est toujours prêt à aider les gens. Notre relation est assez fusionnelle, mais je regrette que nous ne passions pas plus de temps ensemble. Ce que j’admire chez lui, c’est qu’il est parti de rien et malgré les difficultés qu’il a traversées, il a toujours su se débrouiller. J’apprécie bien quand il raconte des anecdotes sur sa vie et comme ça j’apprends aussi des histoires sur ma maman quand elle était petite.
J’ai beaucoup de chance car beaucoup de passions me viennent de lui (le chant, le football, l’humour, etc...).
Ce que je trouve drôle aussi, c’est que mon grand-père est rouquin, mais aucun de ses enfants ou petits-enfants ne le sont. Par contre mes frères, moi et même ma maman, avons des reflets roux et je trouve que c’est un peu notre marque de famille.
Voila, j’espère qu’à travers ce petit texte, vous avez appris à connaître un peu Fernando Pereira, mon avô que j’aime très fort.
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